Le bloc opératoire est un secteur médico-technique possédant un nombre important d’équipements biomédicaux. Leur utilisation doit être maîtrisée pour éviter tout événement indésirable. La formation lors de leur mise en œuvre et le rappel régulier des bonnes pratiques doivent permettre d’éviter des modes dégradés porteurs de risques pour les patients.
M. F., 56 ans, est orienté par son médecin vers un chirurgien maxillo-facial spécialisé dans la chirurgie plastique du visage, car il présente une gêne respiratoire due à une déformation externe et interne avec présence d’une encoche endonarinaire dans les suites de l’exérèse d’une lésion suspecte de l’aile du nez – carcinome basocellulaire nodulaire.
Le chirurgien préconise une reprise chirurgicale qui est acceptée par le patient. La consultation préanesthésique n’objective aucune contre-indication à la réalisation d’une anesthésie générale. Le parcours ambulatoire est retenu.
Le jour J, M. F. est admis en secteur ambulatoire, il est préparé pour l’intervention chirurgicale par l’équipe soignante, puis transféré vers le bloc opératoire par le brancardier. À son arrivée en salle d’opération, il précise qu’il a froid lorsqu’il est installé sur la table d’opération. Le chirurgien demande alors à l’infirmière de bloc circulante d’installer un chauffage.
L’induction anesthésique est réalisée par le médecin anesthésiste réanimateur (MAR), le patient est installé en décubitus dorsal pour bénéficier de l’intervention chirurgicale, le temps total de présence en salle d’opération, anesthésie comprise aura été de 55 mn.
Le patient est transféré en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) intubé, il est installé dans un poste de réveil par le MAR et le brancardier du bloc ; les transmissions sont faites.
La présence des signes de réveil post-anesthésie permet l’extubation du patient, les paramètres physiologiques sont stabilisés.
Rapidement, le patient exprime une douleur au niveau de la cheville ; cette douleur n’est pas prise en compte en SSPI.
En secteur ambulatoire, M. F. signale cette douleur à plusieurs reprises. Le MAR contacté examine la cheville et observe une rougeur sans phlyctène, il demande de procéder à l’application de glace localement avec un effet bénéfique quasi immédiat. La prescription d’une surveillance de l’évolution de la rougeur est faite et précise que si la rougeur reste stable, la sortie est possible après accord du chirurgien. Aucune explication sur les causes de cette rougeur n’est évoquée devant le patient.
La sortie du patient est confirmée pour le soir même.
Lors de l’appel du lendemain, le patient signale qu’il a eu mal toute la nuit, malgré la prise des antalgiques prescrits, douleur localisée au niveau de la cheville et non au niveau du site opératoire, douleur coté à 8/10. L’infirmière demande alors au patient de repasser aux urgences de l’établissement de santé pour faire un point.
L’urgentiste objective une brûlure du second degré, de forme circulaire, d’un diamètre d’environ 8 cm sur la face interne de la cheville droite avec une phlyctène. Il prescrit des soins locaux – Biseptine®, tulle-gras et pansement quotidien – à revoir dans 10 jours par son médecin traitant pour juger de l’évolution de la brûlure.
Il demande à revoir le chirurgien plasticien qui l’a opéré. Lors de cette consultation au 5e jour postopératoire, il est reçu par le chirurgien et l’anesthésiste qui l’ont pris en charge et qui objectivent une brûlure du second degré, avec phlyctènes et tissus nécrotiques. Il remplace le tulle gras par de la Flammazine®et demande un soin quotidien par une infirmière de ville. Il est proposé également au patient de rencontrer un chirurgien du pied.
Ce praticien spécialisé retrouve une zone moins inflammatoire par rapport à la photo transmise par son confrère 4 jours plus tard, mais propose néanmoins un traitement chirurgical avec détersion des tissus nécrotiques, puis une tentative de cicatrisation dirigée voire de greffe de peau en filet. Le traitement est accepté par le patient.
Les suites resteront longues, avec une cicatrisation dirigée longue et surtout un résultat esthétique non satisfaisant avec des cicatrices chéloïdes.
Cet événement indésirable a eu comme conséquences :
Le courrier adressé à la Direction Générale de l’établissement de santé et transmis au coordinateur de la gestion des risques de la structure a retenu l’attention des professionnels chargés de la sécurité des soins : il convient de comprendre comment cet événement a pu se produire, identifier les causes racines, les comprendre et trouver éventuellement les actions de prévention à mettre en place pour éviter que cela ne se reproduise.
Une analyse de risque a postériori est donc réalisée par le gestionnaire de risques de l’établissement.
La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue pour ce presqu’accident.
Le patient signale une douleur au niveau de sa cheville en SSPI.
En résumé :
- Les éléments relatés par le patient précisent qu’un système de réchauffement a bien été installé.
- La nature de la lésion a été objectivée par plusieurs praticiens : brûlure du second degré.
- La brûlure constatée est liée avec certitude au réchauffeur à air pulsé qui a été installé : la morphologie de la brûlure correspond à la forme de l’orifice du tuyau de ce dernier.
- L’expertise réalisée sur le réchauffeur a montré son bon fonctionnement ; l’événement indésirable est donc essentiellement dû à une mauvaise utilisation : absence de couverture ad’hoc et réglage de la température d’air pulsé à 44°C à la sortie du tuyau, seule température pouvant occasionner une brûlure profonde.
Le partage de l’analyse de l’incident à partir de la méthode ALARM évoque des actions correctrices concernant l’organisation des soins et surtout la communication entre professionnels de santé :
Cette analyse montre que les modes dégradés non maîtrisés peuvent être à l’origine d’événement indésirable évitable.
Prendre le temps de faire un "arrêt sur image" pour réaliser un briefing de la situation permet d’identifier les vulnérabilités et de détecter les éléments non conformes aux process de prise en charge habituel.
Il convient de rappeler que chaque minute accordée à une démarche de gestion de risques est un investissement qui rapporte beaucoup pour les patients et en seconde intention aux professionnels de santé car les impacts pour eux sont rarement neutres.